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Le problème à trois corps et la théorie du chaos

Le problème à trois corps est sorti récemment sur la plateforme Netflix, et s’est retrouvé rapidement numéro 1. C’est une mini série inspirée des trois romans de Science Fiction de Liu Cixin qui ont eu un succès international à leur sortie et valurent à leur auteur le prix Hugo en 2015.

Illustration : © Jay Wong pour l’affiche du film 3Body (2017)

Science friction

Il se trouve que j’avais lu en son temps cette trilogie, attiré par le titre du premier volume (j’y reviendrais) et j’ai naturellement regardé cette production qui permettra à tout un chacun de découvrir cette histoire et l’univers de son auteur. Tant il est vrai que la plupart des gens connaissent les livres non pas en les lisant mais par les films qui en sont tirés, parfois pour le meilleur.

Habituellement en effet je ne prise pas la SF qui n’est pas souvent de la littérature, selon mes critères. Des lectures d’adolescence tout au plus, des histoires très inventives, certes, mais la plupart du temps mal écrites. Ainsi je n’aime plus Van Vogt (même traduit par Boris Vian), Asimov et ses sagas robotiques, pas plus que Lovecraft, Bradbury, Brunner, Herbert et tous les grands classiques du genre…

Dans ce domaine, les films sont souvent meilleurs que les livres eux-mêmes. Comme si ces livres avaient besoin d’être repris par les scénaristes, les réalisateurs et autres maîtres du récit pour devenir des chefs d’oeuvre. Citons « Seul sur Mars » réalisé par Ridley Scott, un film inspiré par les livres d’Andy Weir, incomparablement plus mauvais quand on lit les textes originaux (et non le livre qui a été tiré du film !). A cet égard, il faut décerner une mention particulière pour l’oeuvre immense de Philipp K. Dick et en particulier l’adaptation « Minority Report », chef d’oeuvre de Steven Spielberg, film tiré de la longue nouvelle difficilement lisible « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? »…

Mais revenons à Liu Cixin. Il s’agit cette fois de « hard SF » au même titre que les livres d’Arthur C. Clarke ou comme le film « Interstellar » : un texte de fiction, certes, mais qui tire son inspiration de connaissances qu’on considère actuellement comme exactes dans le domaine de la physique des particules, de la mécanique quantique ou de la cosmologie.

C’est d’ailleurs le fond de commerce de Liu Cixin (voir par exemple son recueil de nouvelles « L’équateur d’Einstein »). Encore que cette « hard SF » soit à mon sens parfois très molle notament quand l’auteur nous décrit la vie sur les planètes d’un système chaotique…

Toujours est-il, il s’agit d’un texte de qualité sur un thème amplement vulgarisé mais qui laissera sans doute le lecteur peu au fait des théories physiques actuelles, dans un brouillard d’incompréhension assez douloureux. Ce qui au passage en dit long sur le niveau d’éducation des occidentaux…

La série

Le pitch annonce la couleur, sans « spoiler » : « Dans la Chine des années 60, une jeune femme prend une décision désastreuse dont les répercussions à travers le temps et l’espace vont affecter un groupe de chercheurs brillants dans le monde d’aujourd’hui. Alors que les lois de la nature se dérèglent sous leurs yeux, cinq anciens collègues se retrouvent pour affronter le pire des dangers ayant jamais menacé l’humanité.

 

Ces films à gros budget (comédie, décors, 3D…) sont l’oeuvre des créateurs de Game of ThronesDavid Benioff et D.B. Weiss, multi-récompensés aux Emmys Awards et par Alexander Woo (« The Terror : Infamy », « True Blood »), nommé également aux Emmys. Ils ont cette fois délaissé les dragons, les donjons et la « fantasy » pour la technologie, les mondes parallèles et la science fiction pure et dure.

Réalisé notamment par Derek Tsang (Better Days) et nommé aux Oscars, Le Problème à trois corps est sorti le 21 mars 2024 sur Netflix.

C’est une histoire exaltante qui redéfinit le drame en science-fiction à travers des énigmes complexes à résoudre et des enjeux d’une ampleur inhabituelle qui se trouvent à la croisée des genres…

Voici quelques bandes annonces et autres teasers pour se faire une idée.

 

 

Le problème à trois corps : théorie du chaos, effet « papillon » et géométrie fractale

A l’origine j’ai été attiré par ce titre car je connaissais cette problématique des « trois corps ». En effet, grâce aux équations de la gravitation universelle de Newton – et depuis, celles de la relativité générale, il est relativement facile de prédire la trajectoire de deux corps célestes interagissant l’un avec l’autre. C’est même comme ça qu’on a pu aller sur la Lune, avec les approximations nécessaires. Mais ce n’est pas la même limonade dès qu’on introduit dans le système un troisième corps ! Les trajectoires deviennent alors imprévisibles avec parfois des directions et des accélérations surprenantes, dans un véritable billard cosmique…

Henri Poincaré, le visionnaire.

Henri Poincaré était de la même famille que Raymond Poincaré président de la République française et de Lucien Poincaré, directeur de l’Enseignement secondaire au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Oui, nos dirigeants n’ont pas toujours été des ânes…

Auteur de la topologie, il avait eu aussi l’intuition de la relativité bien avant Einstein. Au cours de ses explorations aux frontières de la connaissance, souvent frappées au coin du génie, Poincarré fut le premier à comprendre la nature « chaotique » du phénomène et à découvrir que parmi toutes les géométries connues (l’euclidienne n’est qu’un cas particulier) il en existait aussi une, aux dimensions fractionnaires, qui deviendrait la géométrie fractale… Mais il avait dû faire demi-tour au bord de la falaise, terrifié, selon ses propres mots, par le monde du chaos qu’il entrevoyait au fond du précipice…

Ce n’est que plus tard que la théorie du chaos sera formalisée et que « l’effet papillon » fera son entrée dans l’imaginaire public : En effet, un papillon qui bat des ailes en Provence est susceptible de déclencher un ouragan à Tahiti ! Et c’est tout le thème de la série dont on parle.

Simulations et simulateurs

Voilà pour les trois corps. Mais on imagine bien la complexité du monde réel à « n » corps, incluant par exemple toutes les planètes du système solaire, ou à l’échelle de l’univers entier, ou celle de nos écosystèmes avec leurs milliers (milliards ?) de paramètres.

Mais l’homme veut connaître l’avenir. C’est ainsi. C’est ce qui fait le succès des astrologues, des cartomanciens, des numérologues et autres oracles des temps anciens. Ainsi sont nées les « simulations », projections mathématiques qui font tant de dégâts dans les domaines de la santé ou de la climatologie, par exemple.

Au cours des études scientifiques et même à haut niveau, on a tendance à croire que la majorité des problèmes sont aujourd’hui résolus ; on dispose des outils puissants et des solutions pour cela. Mais ce n’est que bien tard qu’on réalise que ces exercices, démonstrations et problèmes brillamment résolus en mathématiques ou physique et qu’on a eu tant de mal à mémoriser ne sont que des cas particuliers qui fonctionnent, et pour cause : l’écrasante majorité des problèmes liés à la représentation de la « réalité » échappent à notre comprehension !

Notre grand logicien Kurt Gödel (contemporain et collègue d’Albert Einstein) a même établi le « principe d’incertitude » démontrant qu’un certain nombre de problèmes sont et seront à jamais indémontrables… Il est vrai que Kurt croyait aussi aux démons. En traversant le forêt du campus il n’était pas rare qu’il y rencontre diables, diablotins, fantômes et esprits…

Comme on peut le constater sur cette animation, clin d’oeil à tous les « simulateurs » – Ferguson de l’Université de Cambridge en tête, qui se trompe systématiquement depuis 15 ans mais à qui nos gouvernants font toujours appel quand il s’agit de bâtir des scénarios catastrophes, le réel n’est pas toujours « prévisible » !

Mais la science, la connaissance et la recherche ont depuis longtemps été confisqués par l’argent, les politiques, les bureaucrates, les « médias de grand chemin », « communicants », gratte papiers et autres cabinets de conseil. Tout au moins dans le domaine de la santé qui est totalement aux mains des lobbys pharmaceutiques. Que cela plaise ou non aux pouvoirs : la réalité n’est pas la simulation !

 

Occupé à rédiger ce billet et faisant une rapide bibliographie, je fut attiré par un article publié sur les réseaux sociaux par Futura Sciences (à priori un gage de sérieux) expliquant qu’il y avait une solution générale au problème des 3 corps ! Me serais-je trompé ?

A la lecture de cet article qui n’est pas mauvais du point de vue des références – il s’agit d’essayer de se démarquer de la foultitude des articles sur ce sujet d’actu (NetFlix, pensez ! 🙂 ) – il s’avère qu’en réalité il n’y A PAS de solution générale, contrairement à ce que le titre « Putaclic » annonce !

Les seuls résultats trouvés sont, comme toujours des cas particuliers. Futura Sciences à hélas cédé à cette détestable manie du sensationnalisme (mensonger et tapageur) des titres remplaçant le contenu. C’est d’ailleurs la seule chose qui compte pour la majorité des gens sans culture scientifique : le titre du billet sur les réseaux sociaux. Ont encore de beaux jours devant eux les : « Je l’ai vu sur Internet » ou « Vu à la télé » …

 

Publié le Mai 27, 2024

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